CUDM

Problématique du contrôle et du suivi des enfants Makfouls par des familles au Maroc et à l’étranger

Problématique du contrôle et du suivi  des enfants Makfouls par des familles au Maroc et à l’étranger

Salon de la Petite Enfance et de la Kafala

Année Programme Scientifique de la 4ème édition de 2013

Atelier N° 3

sur

« Problématique du contrôle et du suivi

des enfants Makfouls par des familles au Maroc et à l’étranger »

Rabat, le Dimanche 22 Décembre 2013

Modératrice : Khadija Elmadmad

Professeur de Droit, Avocate et Directrice du Centre UNESCO « Droits et Migrations »

 

L’atelier sur « La Problématique du contrôle et du suivi des enfants de la Kafala par des familles au Maroc et à l’étranger » s’est réuni à Rabat durant la  matinée du Dimanche 22 décembre 2013.

I          Les participants

Etaient présents à cet atelier :

–       Monsieur  Hassan Brahimi du Ministère de la Justice 

–       Monsieur  Rarhar Younès du Ministère chargé des Marocains Résidents à l’Etranger et des Affaires de la Migration

–       Monsieur Stéphane Vaucher de l’Association « Attoufoula Al Baria » en Suisse

–       Madame Jordy Levy de l’Association IMA (Amics dels Infants del Marroc) en Espagne

–       Monsieur Isara Alvarez de l’Association IMA (Amics dels Infants del Marroc) en Espagne

–       Monsieur Yassine Brahim de la Ligue Marocaine pour la Protection de l’Enfance

–       Madame Nadia Mouhir du Bareau de Rabat

–       Monsieur Jaouad Idrissi Qaitoni du Centre UNESCO « Droits et Migrations » (CUDM) et du Barreau de Rabat

–       Madame Khadija Elmadmad du Centre UNESCO « Droits et Migrations » (CUDM) et du Barreau de Rabat

Des correspondances ont été adressées à l’atelier incluant des propositions et des recommandations pour l’amélioration du système de la Kafala de la part de deux associations en France, qui n’ont pas pu  faire le déplacement à Rabat :

–       L’Association de Parents Adoptifs d’Enfants Recueillis par Kafala (APAERK)

–       L’Association kafala.fr.

L’atelier a commencé par un débat général sur le suivi et le contrôle des  enfants de la Kafala. Ensuite a été abordé la question des fondements et des objectifs de la Circulaire N° 40/S/2 du Ministère de la Justice et des Libertés adressée aux Procureurs généraux près des Cours d’Appel  et aux Procureurs des TPI leur demandant de présenter des requêtes aux juges des mineurs afin de refuser la kafala aux étrangers qui ne résident pas habituellement au Maroc.

II          La Circulaire N° 40/S/2 du Ministère de la Justice et des Libertés

Sollicité pour clarifier cette la circulaire du Ministère de la justice et des Libertés, Monsieur Hassan Brahimi a précisé que la dite circulaire ne concerne que les étrangers qui demandent la Kafala au Maroc. Il a justifié la sortie de ce texte par les problèmes posés par l’enquête sur les personnes étrangères qui ne résident pas au Maroc, vu leur bref séjour au Maroc et la difficulté de conduire  de telles enquêtes à l’étranger.

M Brahimi a aussi posé le problème de l’accès aux enfants de la Kafala  à l’étranger et (dans plusieurs cas) à leurs déplacements à l’étranger dans le cadre du regroupement familial lorsque les Etats de résidence de ces enfants ne reconnaissent pas la kafala. Il a soulevé également le problème de la transformation de la Kafala en adoption dans certains pays de résidence des parents kafils et du risque de la dénaturalisation de l’institution de la kafala.

Il a insisté sur le besoin de l’application de la Convention de La Haye concernant la compétence,  la loi applicable, la reconnaissance, l’exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants du 19 octobre 1996 (dont le Maroc a été le premier signataire), qui reconnait explicitement la kafala et il a qualifié l’attitude de certain Etats occidentaux à l’égard des enfants de la kafala d’attitude discriminatoire. Il a appelé à ce que tous les Etats qui ont ratifié cette convention de La Haye  respectent leurs engagements internationaux en la matière et reconnaissent la Kafala.

Monsieur Brahimi a noté que la reconnaissance de la Kafala à l’étranger est liée à la résolution d’un problème pratique (inclus notamment dans l’article 33 de la Convention de la Haye de 1996) ; celui de l’existence d’un contact direct entre le juge national et le juge du pays d’accueil en ce qui concerne le suivi et le contrôle. Il a proposé comme solution à ce problème la signature de conventions bilatérales qui protégeraient les enfants de la Kafala à l’étranger et a cité comme exemple de ces conventions la Convention franco-algérienne.

Monsieur Brahimi a noté, par ailleurs, qu’il s’agit dans la Circulaire seulement de directives adressées aux Procureurs pour faire des réquisitoires aux juges et que ces derniers restent libres de les appliquer ou non. Cela dépendra des cas et de l’intime conviction des juges. Il a ajouté que même après cette circulaire, certaines kafalas ont été accordées à des étrangers, quand les juges étaient convaincus de la bonne foi des demandeurs étrangers de la kafala et quand l’avis des autorités de leurs pays était favorable à la Kafala.

III         Certains problèmes de la kafala

Les problèmes du suivi et du contrôle de la Kafala au Maroc et à l’étranger ne sont pas, en principe, très liés à la résidence ou non des parents kafils au Maroc. Ils sont surtout causés par des problèmes de mise en vigueur de la loi N° 15-01 du 13 juin 2002 sur la kafala et des manquements aux engagements internationaux du Maroc et de certains pays étrangers en matière de  protection des enfants pris en charge par kafala.

Parmi ces problèmes figurent :

–       La longue procédure de la kafala

–       La non préparation des parents kafils à recueillir les enfants pris en kafala

–       La non application des dispositions de la Convention de la Haye de 1996

–       Le manque de contact entre les autorités judiciaires marocaines et leurs homologues dans les pays étrangers

–       La non existence, dans la majorité des cas, de conventions bilatérales en matière de Kafala

–       La non prise en considération des expériences positives de la kafala dans certains pays occidentaux

–       Certains doutes quand à la conservation de la culture et de la religion des enfants pris en kafala une fois remis à l’étranger

–       Le manque de formation de certaines personnes physique et morales qui travaillent sur la Kafala et/avec les enfants de la kafala

–       Le manque de contacts entre le juge marocain des mineurs et les missions diplomatiques marocaines.

Pour résoudre ces problèmes et garantir une meilleure protection des enfants de la Kafala ici et ailleurs, plusieurs suggestions et propositions ont été présentées à l’atelier. C’est ainsi que la majorité des participants ont appelé à la création d’une instance nationale qui serait chargée de la préparation des candidats à la Kafala, des contacts avec l’étranger et aussi du suivi et du contrôle au Maroc et à l’étranger.

Pour sa part, le Représentant de la Ligue Marocaine pour la Protection de l’Enfance a, entre autre, mis l’accent sur le besoin pour le Ministère de  la Justice et le Ministère des Affaires Etrangères de discuter du problème et de trouver des mécanismes communs de suivi et de contrôle des enfants de la Kafala.

Les observations de l’Association Kafala.fr représentant les Marocains résidant à l’étranger (MRE) ont cerné l’aide et la facilitation des procédures pour les MRE, l’affichage du jugement d’abandon, la création d’un Bureau ou de la Maison de la Kafala, l’homogénéisation des procédures de la kafala et la souplesse des exigences des tribunaux marocains

Maitre Mouhir a mis en exergue les problèmes pratiques qui se posent aussi bien au Maroc qu’à  l’étranger pour les demandeurs de la Kafala, tels que les divergences dans l’application de la loi sur la Kafala dans les différentes régions du Maroc et les problèmes des parents kafils étrangers qui ont présenté des dossiers de kafala mais qui ont été touchés par la Circulaire du Ministère de la Justice et qui sont toujours dans l’attente de prendre leurs enfants pour l’étranger.

Comme plusieurs autres participants à l’atelier, les deux Représentants du Centre UNESCO « Droits et Migrations » ou CUDM, Monsieur Idrissi Qaitoni et Mme Elmadmad, ont insisté sur le besoin de promouvoir et de diffuser le droit national et international protégeant les enfants de la Kafala et sur l’urgence d’une révision de la loi actuelle sur la Kafala qui corrigerait ses limites et l’homogénéiserait avec certaines dispositions de la Constitution de 2011 ainsi qu’avec les conventions internationales ratifiées par le Maroc.

IV         Des expériences positive à suivre et des amalgames à lever  

Les expériences positives

Les interventions de certains participants et les observations envoyées par les associations qui n’ont pas pu assister à l’atelier ont relevé :

–       L’existence d’expériences étrangères en faveur de la Kafala et protégeant les enfants de la Kafala à l’étranger qu’il faut prendre en compte, notamment les expériences suisse et espagnole. Ces Etats reconnaissent l’institution de la Kafala et ont crées des organes nationaux chargées du suivi et du contrôle des enfants pris en kafala à l’étranger. Les expériences d’ Attoufoula Al Baria » en Suisse et celle de l’Association IMA (Amics dels Infants del Marroc) en Espagne ont été présentées à l’atelier.

–       Le cas de la France est aussi à prendre en compte, surtout lorsqu’il s’agit de la préparation des parents adoptifs et du suivi de l’adoption. L’Association APAERK a proposé, entre autre, que si les autorités marocaines ne sont pas en mesure actuellement d’assurer le suivi des enfants de la Kafala, les services sociaux français  peuvent réaliser ce suivi.

Les amalgames à lever

Les débats dans l’atelier ont abouti à un constat général que certains problèmes posés par la non application de certaines dispositions de l’actuelle loi sur la kafala ou par leurs limites, notamment en matière de suivi et de contrôle, ne devraient justifier en aucun cas l’adoption de textes qui restreignent le droit de prendre des enfants en kafala ici ou ailleurs (comme c’est la cas, par exemple, de la Circulaire du Ministère de la Justice), étant donné l’impact négatif de ces textes sur l’avenir des enfants abandonnés qui pourraient être pris en Kafala et plus particulièrement sur les plus vulnérables parmi eux comme les enfants handicapés. Ces enfants seront ainsi privés de leur droit de vivre en familles et de partir à l’étranger.

V          Les recommandations générales de l’atelier

Les recommandations présentées par l’atelier ont pour la plupart insisté sur la nécessité de :

  1. Réviser l’actuel Dahir réglementant la Kafala avec l’objectif d’alléger et homogénéiser  les procédures, de déterminer des délais fixes pour les procédures et de mieux protéger les enfants de la Kafala et leurs parents kafils, aussi bien au Maroc qu’à l’étranger
  2. Annuler  la Circulaire N° 40/S/2 du Ministère de la Justice et des Libertés et trouver des solutions aux causes qui ont justifié sa promulgation
  3. Créer une instance nationale chargée de la Kafala et assurer des formations spécialisées pour les tous acteurs qui s’activent dans le domaine (gouvernementaux et non gouvernementaux, juristes et non juristes, marocains et étrangers) ainsi que pour toutes personnes intéressés (militants associatifs, parents kafils, etc.
  4. Appliquer les dispositions de la Convention de la Haye de 1996 reconnaissant la kafala et instaurant un système de suivi et de contrôle
  5. Prendre en considération les dispositions des conventions internationales protégeant les enfants qui ont été ratifiés par le Maroc et par les pays des demandeurs  étrangers de la Kafala
  6. Promouvoir la kafala et les droits des enfants de la Kafala, informer sur l’institution (ses fondements, ses mécanises, ses procédures etc.) et diffuser largement les textes juridiques qui la concernent.